Message du Conseil d’administration de la Fédération des Centres sociaux et Socioculturels de France (FCSF) – septembre 2015
En cette rentrée de septembre 2015, le Conseil d’administration de la FCSF souhaite envoyer un message à l’ensemble des administrateurs et des salariés des centres sociaux et des fédérations de notre réseau.
Cette prise de parole est motivée par la volonté de faire face à la peur et au découragement liés à un contexte national et mondial anxiogène, à des événements dont la complexité semble nous dépasser. C’est le cas en ce début d’année scolaire concernant l’arrivée d’un nombre important de réfugiés venus de pays en guerre. La cacophonie médiatique et politique sur ce sujet nous pousse à réaffirmer les valeurs qui nous animent.
En 2010, devant la campagne anti-Roms qui enflait, Pierre Garnier, alors président de la FCSF, signait l’appel « Non à la politique du pilori » émanant de plusieurs réseaux associatifs. Cette invitation à mettre en actes nos valeurs et celles de la République reste d’une grande actualité, bien que le contexte soit différent.
Et pour que l’émotion ne soit pas le moteur de notre expression, dans la continuité d’une ligne de conduite que la FCSF s’est donnée il y a déjà plusieurs années, nous sommes allés à la rencontre de centres sociaux et socioculturels confrontés depuis longtemps à la question de l’accueil de personnes arrivant de pays en guerre ou en difficulté économique. C’est ainsi que, forts de leur savoir-faire, nous adressons à l’ensemble de notre réseau quelques réflexions sur ce qui pourraient devenir des propositions d’actions concertées.
Accueillir, encore accueillir C’est d’abord l’accueil qui vient à l’esprit. Pas seulement un sourire le jour de l’arrivée mais un accueil qui dure dans le temps, qui n’attend pas que les personnes viennent toquer à la porte, mais un « aller vers », une invitation à se rencontrer, à se côtoyer. Pour cela, le centre social peut compter sur sa capacité à recenser, à mobiliser, à développer les engagements individuels. Ce savoir-faire peut être une contribution primordiale pour réussir le pari que la France, au sein d’une Europe encore divisée sur ce sujet, fait en ouvrant ses portes. L’accueil permet la connaissance , la découverte de l’autre et l’enrichissement réciproque. Il a une autre finalité: celle de valoriser les capacités des personnes qui arrivent. Elles sont porteuses de compétences, d’histoire humaine, de qualités qui sont une chance pour nos territoires.
Développer les passerelles, proposer des coopérations Ces situations dramatiques développent chez bon nombre d’habitants de nos territoires une générosité, une envie d’agir. Nous ne pouvons rester sans rien faire devant un si bel élan. Là encore, le savoir-faire des centres sociaux peut être mis à contribution pour articuler ces envies d’agir avec les associations, les institutions afin que cette énergie soit utilisée au mieux et durablement, que les citoyens de nos quartiers soient fiers de voir renaître l’espoir dans les yeux de ceux qui reviennent de si loin. Nous savons qu’il ne s’agit pas de réagir sous la pression du moment mais de s’investir dans la durée. Se rapprocher des CADA (Centres d’accueil des demandeurs d’asile) souvent portés par des associations, ou des équipes des mouvements engagés auprès des réfugiés (CIMADE, Secours Populaire, Secours Catholique, etc.) est nécessaire pour co-construire des réponses adaptées en fonction de nos différents territoires.
Informer, comprendre, débattre Parce que nous savons que cet accueil interroge, inquiète, peut susciter du rejet, de la peur, mettons en œuvre notre savoir-faire en matière de débat. L’arrivée en Europe, et en France, de personnes seules et de familles fuyant les guerres et les persécutions n’est pas récente. L’accélération des arrivées et l’amplification médiatique de l’émotion liée à la publication de photos ont enfin permis une prise de conscience de cette réalité. Mais nous savons aussi que cette situation ne peut-être réfléchie seulement à l’intérieur des frontières de l’Hexagone. Nous constatons chaque jour que l’interdépendance est la règle des relations commerciales, économiques et sous-tend les questions de sécurité et de justice sociale. Ceux qui pensent que c’est en restant isolé que nous vivrons mieux se trompent. C’est l’audace de l’ouverture internationale, la prise en compte de la dimension mondiale de beaucoup de nos questions quotidiennes qui sont les voies d’avenir. En s’appuyant sur des associations depuis longtemps engagées dans un travail auprès de réfugiés, nous devons pouvoir apporter notre contribution à ces débats pour expliquer, informer, proposer d’autres façons de voir, de vivre ces événements.
Nous pourrions ensemble éditer un bel ouvrage porteur d’espoir. A l’instar des indignations que nous avions collecté ensemble en 2011, nous aimerions réunir des témoignages des migrants eux-mêmes et de ceux qui les ont accueillis. Nous pourrions ensemble témoigner qu’au-delà de la peur que ressentent certains de nos compatriotes, l’arrivée de ces personnes permet des rencontres, des gestes de solidarité, de partage et est source d’enrichissement pour les territoires à partir des capacités des arrivants.
Notre conviction est la suivante: il est possible d’agir sur notre avenir, dans le quotidien, ici et maintenant. Nous pensons en effet que, contrairement au sentiment d’impuissance ambiant, nous avons bel et bien prise sur le monde qui nous entoure, que nous pouvons agir ensemble, localement, sur ce qui nous tient à coeur.
Cette actualité fait irruption dans notre quotidien, vient bousculer nos priorités, nos préoccupations. Faisons de ces circonstances une opportunité pour renforcer notre métier de tisseur de liens et de passeur des différences. Affirmons notre capacité à ouvrir les débats, à être intelligents ensemble, à faire ce qui nous semble juste, là où nous sommes.
Comme l’écrivait l’anthropologue américaine Margaret Mead: « Ne doutez jamais qu’un petit groupe d’individus conscients et engagés puisse changer le monde. C’est d’ailleurs toujours comme cela que ça s’est passé. »